Ci-dessous le texte intégral d’un communiqué de presse de l’APMF.
Lors des États Généraux du Droit de la Famille, des 28 et 29 janvier 2010, la Garde des Sceaux, Madame Michèle ALLIOT-MARIE, s’est exprimée en faveur d’un recours plus important à la médiation familiale.
Elle propose de développer la possibilité pour les justiciables d’être informé sur la médiation familiale avant leur première audience devant un magistrat. Ce dispositif, nommé par le Ministère de la Justice «double convocation », est en cours d’expérimentation depuis déjà quelques mois dans certains TGI.
L’APMF se réjouit de cette volonté politique, qui fera connaître plus largement ce qu’est la médiation familiale et son intérêt dans les conflits familiaux. Dés le début de la procédure, les personnes auront la possibilité de choisir ou non de s’engager dans une médiation familiale, en toute connaissance de cause.
L’APMF a toujours souligné l’importance d’un accès à une information le plus en amont possible de la procédure judiciaire ainsi que l’efficacité d’une information personnalisée.
Le succès d’un tel dispositif repose évidemment sur un solide partenariat entre médiateurs familiaux et professionnels du droit, afin que ce dispositif puisse répondre aux attentes de chacun, et particulièrement aux besoins des familles.
C’est ce que l’APMF préconisait, en avril 2008, dans ses propositions faites au groupe de travail sur la médiation, mis en place par Monsieur Jean-Claude MAGENDIE, 1er Président de la Cour d’Appel de Paris.
L’APMF insistait sur le cadre éthique et déontologique de la médiation familiale reconnu par le Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale et repris par la Loi (cf. Rapport Magendie, p. 30).
D’ores et déjà, l’APMF attire l’attention sur certains risques possibles dans l’utilisation de la « double-convocation » et les points sur lesquels il nous faut rester vigilants :
* L’articulation entre l’espace de la médiation familiale et celui de la justice est encore à élaborer afin d’éviter la confusion des places :
Nous pensons que les deux interventions participent à la pacification des relations. La médiation familiale est plus qu’une simple alternative à la justice, en cela elle ne se substitue pas et elle ne peut pas se substituer au « dire de la loi ».
Pour l’APMF, la médiation familiale n’est ni « ou » ni « à la place » ; elle est « avec », « à côté » voire « en amont » de la justice.
* Il serait regrettable de réduire la médiation familiale à de la négociation.
Si elle peut se conclure par des accords, la médiation familiale tend aussi à la restauration des liens.
* Il est nécessaire de donner aux personnes le temps nécessaire à l’élaboration de leurs accords, à la pacification des relations ou à la construction d’un nouveau lien. C’est pourquoi l’entretien d’information à la médiation familiale doit rester une information individualisée, adaptée à la situation, ayant pour but de mettre à disposition des personnes concernées un espace temps propice à la réflexion concertée.
Cette information (que la Justice nomme « double convocation ») que nous nommons « l’information préalable à l’audience » ne vise pas à finaliser des accords, elle doit être pensée comme une introduction à la médiation.
* Les médiateurs familiaux assurant les permanences d’information doivent être titulaires du Diplôme d’État (1) et se conformer à l’éthique de la médiation familiale que le législateur a reconnu. (Indépendance, impartialité et neutralité du médiateur familial, confidentialité des entretiens et consentement libre et éclairé des personnes)
L’APMF exige de ses membres qu’ils répondent aux critères suivants : s’engager sur le Code de déontologie de l’APMF, justifier d’une pratique régulière de médiation familiale et suivre une analyse de pratique et /ou une supervision personnelle, (critères d’inscription au Collège des médiateurs familiaux de l’APMF).
* Enfin, la question du financement des permanences d’information à la médiation familiale se pose désormais sérieusement. Pour l’instant, elles ne sont pas financées. Le professionnalisme nécessaire des médiateurs familiaux supposent que ceux-ci soient rétribuées pour ces temps de travail.
L’APMF est partie prenante de la réflexion et de l’organisation de ces informations préalables, tout en étant attentive aux qualités d’indépendance, de responsabilité des personnes et de financement inhérentes à ces dispositifs.
Communiqué de presse de l’APMF
Audrey Ringot, Présidente de l’APMF, Commission APMF « Médiation Familiale et relations avec le judiciaire »
(1) Il n’est fait légalement aucune obligation d’être titulaire du Diplôme d’Etat. La CPMN s’était à l’époque de la décision ministérielle opposée à cette exclusivité et avait obtenue gain de cause auprès du Ministre.
Bonjour Christian,
Merci, vois-tu, ce n’est pas la première fois que le mouvement associatif de la médiation s’agite sans citer la cause du débat. J’ai déjà repris sur le même sujet, Gabriel Planès, présidente de l’Association nationale des médiateurs, qui s’était fendu d’un éditorial en novembre 2009, sur son site. Elle y critiquait les positions de la CPMN relatives à la promotion de la médiation préalable obligatoire en matière civile. Je vais revenir sur ce sujet. La CPMN n’est pas à son premier débat et souvent, avec le temps, après avoir éventés leurs arguments, les contradicteurs reprennent les idées à leur compte.
La première fois c’était concernant le diplôme d’Etat de médiateur familial. A l’époque, en 2004, notre organisation avait pris position contre ce diplôme et avait obtenu du ministre Jacob la non-exclusivité du DEMF faute de pouvoir obtenir qu’il ne soit pas mis en place. En effet, ce diplôme correspond plus à une réponse à un fonctionnariat en demande de reconnaissance de formation qu’à une réelle reconnaissance de compétences, puisque les formations à la médiation n’étaient guère plus au point qu’elles le sont encore aujourd’hui de ce côté. Par euphémisme, je dirais que leurs résultats sont peu satisfaisants. Ces formations mélangent à l’envi des approximations de droit, de psychologie, de psychothérapie, de sociologie et d’histoire, sans apporter un savoir spécifique pour l’accompagnement des protagonistes d’un conflit. A cette époque nous affirmions déjà la médiation comme discipline à part entière, car aucune discipline ne vise la résolution des différends. Il existe donc une place. La médiation peut la prendre. Enfin, la spécialisation de la médiation dans le domaine familial est dûe à une pensée archaïque qui est un réflexe connu en matière juridique, par exemple dans les prudhommes où, désormais, de plus en plus les chambres spécialisées disparaissent… Les objectifs affirmés dans le communiqué de l’APMF témoignent aussi d’une conception teintée de conciliation, voire de réconciliation, tandis que la médiation est au service du libre accord, pas de l’accord qui plait aux médiateurs-réconciliateurs. La critique qui avait été faite à cette époque est encore valable : les garanties d’indépendance, d’impartialité et de neutralité ne sont pas apportées par ce courant de spécialisation de la médiation. Le nombre de personnes engagées sur cette voie et les travaux réalisés ne sont pas autant de garanties de compétence. Il conviendrait de remettre l’oeuvre sur le métier…
La seconde fois, concernant la recherche de plusieurs organismes de médiation de faire mettre en place un diplôme d’Etat de médiateur généraliste. Un tel choix corromprait la médiation en France. L’erreur à déjà été faite dans le domaine familial. Faire un diplôme d’Etat de médiateur consiste à abandonner l’indépendance culturelle qu’un médiateur doit maintenir, surtout dans cette société où les flux migratoires sont importants. Imagine-t-on l’effet d’un médiateur diplômé par l’Etat afghan ou iranien en matière familial ou généraliste ? Pourquoi un diplôme d’Etat français serait-il plus crédible ? Au nom d’une croyance ou d’un l’héritage révolutionnaire ? Le sérieux était dans la structuration des formations, de l’organisation professionnelle des écoles. Il ne faut pas figer un enseignement qui est bien trop récent pour être déjà institutionnaliser. La recherche est en cours. Il faut progresser. Dans cette perspective, Médiateurs Associés a évolué vers l’organisation de l’Ecole professionnelle de la Médiation et de la Négociation – EPMN, et a investi lourdement pour la mise en place de la norme ISO 9001 dont elle a obtenu la certification en ce début d’année 2010. La démarche reste dans le domaine professionnel. Une recherche permanente qui est reconnu par la compétence et les résultats, en travaillant sur la mécanique des conflits, laissant à chacun le soin de chercher et trouver sa voie du bonheur.
La troisième fois, concernant l’éthique et la déontologie. Un travail conséquent a été réalisé à l’époque de la présidence de Marc Lecordier, de 2001 à 2007, pour l’élaboration du Code d’éthique et de déontologie, le CODEOME, adopté en 2004, qui a été plagié par des organisations à l’international et en France, pour citer l’IMAQ et le ROME. Plagié, parce que des parties ont été reprises sans citer les sources ou en déformant l’origine de la source, qui n’est autre que la CPMN. N’empêche, nous n’avons rien dit de plus parce que les travaux entrepris permettaient, selon la plupart d’entre nous, de faire progresser une uniformisation de la conception de la médiation. Mais il reste que ceux qui ont fait ce travail de plagiat devraient réfléchir à ce qu’est la reconnaissance pour exercer sur le terrain de la médiation.
Le travail de compilation des textes sur la médiation, qui représente un recueil important montrant la diversité des conceptions officielles de la médiation, souvent confondues avec la conciliation, l’arbitrage, la négociation, le traitement des réclamations. Nous avons publié le Code de la médiation pour l’orientation de la médiation. Nous avons montré que la médiation était entrée dans les textes, dans tous les domaines, et qu’il devient indispensable de travailler la cohérence de cette approche visant la résolution des différends. Nous avons fait un grand nombre de propositions dans cet ouvrage, et notamment soutenu celle du changement de nom du médiateur de la République.
Une quatrième fois il nous a fallu aller à Bruxelles pour faire entendre que la médiation n’est pas une procédure, contrairement à ce qui était inscrit avec insistance dans les textes de la proposition de directive européenne, mais un processus. Et nous avons notre expression de processus structuré qui a été reprise. Combien de publication reprennent des idées développées sur le wikimediation.org sans citer leur source, par exemple
Maintenant, depuis le début de l’année, notre proposition de mettre en place la médiation préalable en matière civile, comme moyen d’élargir l’exercice de la liberté fait monter au créneau des personnes qui en voulant certainement bien faire défendent une thèse contraire aux intérêts des protagonistes d’un conflit. Lorsqu’une personne est en conflit, elle ne pense guère qu’en adversité : abandon par la fuite, domination de l’autre, résignation de l’autre… La logique du conflit pousse les personnes, de manière paradoxale, à aller se soumettre à l’interprétation de leur conflit par un tiers, en l’occurrence un conseil juridique, puis à la décision d’un autre tiers, le juge, en espérant que cette décision leur soit favorable sinon elles feront appel, cassation, voire trouveront d’autres moyens… Ainsi, la voie judiciaire qui se présente aux parties est-elle une illusion de choix. Cette voie se substitue au duel du petit matin, sans que le temps des procédures et des décisions ne lavent rien. L’innovation de la médiation est de venir avant. Le message est clair : aller en médiation sinon vous aller devoir vous soumettre à la décision d’un tiers ; faites tout en sorte de prendre une décision qui sera votre entente, sinon l’arbitrage sera pour l’un et l’autre une contrainte. La logique du traitement d’une situation conflictuelle passe donc par deux voies : soit celle du système judiciaire qui organise l’adversité ; soit celle de la médiation qui promeut l’altérité. Ce n’est pas un juge qui peut décider de cela, mais le législateur. Le jour où la médiation entrera comme outil prévu par la loi comme moyen préalable s’imposant aux protagonistes d’un conflit, alors un vrai travail pédagogique aura été conçu par le législateur pour l’exercice de la citoyenneté responsable.
A l’occasion de l’ouverture du forum du médiateur de la république qui se prépare à devenir défenseur des droits, j’ai glissé la proposition de la médiation préalable. Grâce à ce forum, le débat est tout de suite porté plus haut. Le sujet devient d’une plus forte actualité. Merci au futur défenseur des droits, car en abandonnant le nom de médiateur, il ouvre certainement à la médiation sa vraie voie, qui n’est pas d’être défenseur d’une partie, fut-elle absente, quelle qu’en soit la raison.
Je te remercie donc de m’avoir adressé à la fois le communiqué de l’APMF, que j’ai aussitôt publié sur les actualités du wikimediation.org, et le mail de Monique Sassier qui vient ajouter que la « médiation ne saurait être obligatoire ». C’est pour moi l’occasion de refaire un point d’histoire et je t’en fais profiter.
Très cordialement
Jean-Louis Lascoux
Président de la Chambre Professionnelle de la médiation et de la négociation
http://www.mediateurs.com : le portail de la médiation professionnelle
Ps : Je t’invite d’ailleurs aussi à revoir cette page sur les erreurs et confusions qui sont souvent faites en parlent de médiation…
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