La découverte de la médiation par des avocats à Bordeaux

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Bordeaux médiation, association présidée par Me Dominique Bastrot, a organisé une réunion pour présenter les avantages de la médiation, animée par le président de la Fédération des centres de médiation, Michel Dealberti, en présence d’avocats. En effet, cette association regroupe les avocats que la médiation intéresse.

Il est évident que ce travail de pionnier entrepris par Michel Dealberti, lui-même avocat honoraire, devenu un fervent ami de la médiation, implique un changement bien plus important que ce qui est dit dans cette profession. Il convient bien de constater que la formation d’avocat repose sur des principes de traitement du contentieux, de la gestion du contradictoire et de l’adversité. Ceci ne va pas sans conséquences concernant l’appropriation éventuelle de la médiation. S’il s’agit d’en faire une voie similaire à la conciliation, les avocats peuvent s’y retrouver. S’il s’agit de confondre la médiation et l’arbitrage, c’est sans problème. S’il s’agit de confondre la médiation avec la négociation, ça peut se faire sans aucune difficulté.

Mais s’il s’agit de savoir conduire des entretiens de préparation à une discussion pénible pour les parties, voire pour l’animateur, soit le médiateur, et ensuite d’animer des réunions permettant aux parties de faire un bilan parfois très lourd, de réaliser un état des lieux précis et d’élaborer un projet en vue d’un accord pérenne, c’est tout autre chose.

Le principal message à faire passer aux avocats est simple, mais révolutionnaire. Il convient de faire passer le message que la médiation peut intervenir à tout moment d’une procédure. Avant, pendant ou après. En référé, en première instance, en appel ou lors de la cassation. Il faut rappeler aux avocats, habitués à se substituer aux parties, qu’au civil, la discussion est toujours possible et que c’est elle qui peut déboucher sur la loi des parties. Il faut réformer cette mentalité d’obstruction qui tend à se propager comme une obligation juridico-judiciaire, intimant les parties à ne plus communiquer entre elles. Certes, des personnes en conflits ne savent plus communiquer. Faute d’avoir un tiers compétent, il est évident que le recours à une autre pratique peut rendre sceptique. C’est pourquoi, les médiateurs professionnels apportent un savoir faire orienté sur le résultat par la promotion de la qualité relationnelle.

Il ne s’agit pas d’un tiers formé à la va-vite ou encombré de multiples concepts qui impressionnent sans être opérationnels. Il s’agit d’un tiers, médiateur professionnel, dont la mission est d’accompagner le changement, de favoriser ce que nous appelons l’inimaginable discussion. Mais si les avocats ne jouent pas le jeux de l’intérêt de leurs clients, des années de procédures se profilent. Des années d’affrontement. Tandis que certaines personnes en conflit imaginent leur situation comme le feu solaire, il convient que leur conseil les ramène à la juste réalité : comme tout feu s’éteint un jour, tout conflit arrive un jour à son terme. C’est donc une autre conception à mettre au service des justiciables pour le règlement de leur conflit. La médiation professionnelle est un accélérateur. Au lieu de les gérer, et même de les faire fructifier, il convient que les avocats sachent proposer ce processus structuré pour les aider à résoudre leurs différends. Et le conflit s’en trouve réglé bien plus vite et durablement.

Tous les avocats ne le savent pas : il est souhaitable, possible et légal que des parties en conflit communiquent entre elles. Cette évidence juridique fait partie des non-dits qui s’effacent avec l’activation des principes de relations exclusives entre confrères. Le principe d’une discussion entre les parties au cours d’une procédure judiciaire n’est pas une conception de juriste. Lorsqu’un dossier leur est confié, les avocats sont habitués à déconseiller à leurs clients de communiquer entre eux. Ils verrouillent les relations. Les avocats communiquent entre eux, tenant secret leur correspondance. Par leur pratique professionnelle, ils rendent assez inimaginable une discussion devenue déjà peut envisageable entre les parties.

Le principe de la liberté relationnelle est renforcé par la médiation. Bien sûr, une pratique intuitive de la médiation ne débouche que très peu et développe ce scepticisme bien connu. C’est le recours au processus structuré et mis en oeuvre par les médiateurs professionnels qui permettra aux avocats d’avoir des partenaires efficaces au service de la recherche du résultat qui satisfera leurs clients.

Il va falloir du temps pour que la profession d’avocat évolue dans ce sens, ce d’autant que la proposition de l’association présidée par Michel Dealberti, elle-même héritière de cette conception culturelle du contradictoire, de la représentation, de la substitution et de l’adversité, n’a pas encore un message opérationnel en matière de médiation performante.

Aussi, de nouvelles contributions vont être apportées par des avocats formés à la médiation professionnelle pour renforcer les propositions de services des cabinets de ces professionnels du droit.

Référence : Les échos judiciaires girondins