Le vice président de la commission des lois, François Zoccetto, a demandé les observations de la CPMN, concernant la proposition de loi dite Béteille, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées. En effet, la CPMN demande le retrait d’une partie du texte qui porte manifestement atteinte au droit des contrats et qui, par ailleurs, est contraire à la directive européenne sur le développement de la médiation. Voici ces observations en trois points :
- aucune disposition législative ne devrait affecter des systèmes autorégulés de médiation existants, dans la mesure où ils ne portent pas sur des aspects relevant de ladite directive,
- le règlement amiable des litiges doit être encouragé par le recours à la médiation en garantissant une articulation suffisante entre la médiation et les procédures judiciaires et la procédure participative de la proposition tel que la terminologie l’indique n’est pas un processus alternatif de règlement à l’amiable.
- Rien ne permet en droit français d’aller à l’encontre de la liberté individuelle de contacter. La convention des parties fait la loi des parties. Transgresser cette règle , c’est porter atteinte aux droits constitutionnels des citoyens français.
Constat
L’article 31 de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et à l’exercice de certaines professions réglementées institue un nouveau mode de règlement des conflits, la procédure participative assistée par avocat, ce qui impacte sur la médiation comme mode de résolution des conflits.
La Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation souligne que ce texte tend à limiter, voire supprimer, le recours à la médiation dans les affaires juridicisées.
Nécessité d’un débat de fond
L’instauration de cette procédure participative bouleverse le paysage actuel des modes de règlement des conflits. Il est donc indispensable qu’un débat de fond soit mené, ainsi qu’une concertation de l’ensemble des acteurs de la résolution des conflits.
La Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation, la CPMN, premier syndicat professionnel de médiateurs, créée en 2001, n’a jamais été consultée sur les réformes envisagées, ni par la commission Guinchard, ni par la commission Magendie, nonobstant ses multiples demandes d’audition.
La CPMN est opposée à la procédure participative de négociation assistée par avocat car la réflexion menée n’a pas permis d’examiner tous les aspects de cette procédure qui posent problème, et notamment le « balayage » qui est fait de la médiation, par la disposition suivante :
« Art. 2066. – Les parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviennent à un accord réglant en tout ou partie leur différend peuvent soumettre cet accord à l’homologation du juge.
Lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue. » La procédure participative enferme la résolution des conflits dans la sphère juridicojudiciaire La procédure participative enferme la résolution du conflit dans la sphère juridico-judiciaire, contrairement à la médiation, qui est une extension de la liberté relationnelle et contractuelle.
La représentation même de la résolution des conflits est enfermée dans l’idée que le droit, qui n’est que la conséquence d’une relation, peut seul amener à démêler ce qui a pu être initié par un besoin technique, par l’amour, mais en aucun cas au travers d’une recherche juridique et de codification. Le paradoxe est évident. On traite le problème par les conséquences et non par les causes.
La procédure participative, justice privée et payante
La procédure participative telle qu’instituée par la proposition de loi porte en germes le risque d’une justice à deux vitesses, les personnes les plus aisées ayant recours à cette procédure, les plus démunies continuant à s’adresser au juge.
Réduction à néant du recours à la médiation Le texte prévoit que « Lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue ». C’est-à-dire que le législateur permettrait aux parties de ne plus respecter les termes du contrat initialement prévus, et notamment la clause de médiation.
Rappelons que la clause de médiation est la disposition contractuelle par laquelle les parties conviennent qu’en cas de différend, avant toute saisine du juge, elles auront recours à un médiateur. Cette clause constitue une fin de non-recevoir de la demande portée en justice sans processus de médiation mis en œuvre préalablement.
Cette clause de médiation, c’est l’anticipation volontaire et intelligente pour ne pas risquer d’aggraver une situation que l’on sait fragile et à fort risque lorsqu’un problème de nature conflictuelle émerge. Ce parapluie est donc mis avant toute procédure judiciaire, afin de se rappeler la qualité de son implication, sa confiance antérieure. Il est le révélateur de sa capacité de décider, d’un libre consentement éclairé. En un article introduit de manière précipitée, l’un des fondements de la liberté contractuelle se voit ainsi balayé. Ce constat est peu rassurant pour la reconnaissance du libre consentement, l’un des quatre éléments fondateurs d’un libre contrat.
Plutôt que de laisser les personnes dans leur volonté initialement déclarée de recherche d’apaisement, cette procédure participative, qui se substitue au processus de médiation, les maintient dans une dynamique juridique et conflictuelle.